jeudi 28 mars 2013

L'économie sociale et solidaire : une économie sans économiste(s) ?


L'économie sociale et solidaire représente environ 10% des emplois salariés mais ne suscite que très peu d'intérêt de la part des économistes. Il apparaît clairement, comme le montre cette étude, que malgré l'originalité de l'ESS et la création d'un ministère du même nom, il subsiste une diversité telle qu'il paraît impossible de définir cet objet tant les facettes en sont nombreuses. Mais ce désintérêt ne s'explique pas simplement par la difficulté, je pense, de définir clairement l'ESS mais aussi dans la manière de penser l'économie. 

Cette absence d'intérêt de la part des économistes pour l'économie sociale et solidaire s'explique par le fait qu'un ensemble de valeurs est lié à cette économie, comme le souligne Jean-Michel Servet : « l’économie solidaire se caractérise par le fait qu’on n’achète pas tel ou tel type de produit, on n’emploie pas les gens de telle ou telle façon, on ne finance pas telle ou telle chose sans se poser un certain nombre de questions » alors que les économistes regardent et pensent principalement l'économie au sens classique du terme comme la rencontre d'acteurs ayant des buts contradictoires et dont l'enjeu est de satisfaire ses propres objectifs. C'est le constat de Jérôme Blanc : « l’accent mis sur l’individu considéré comme rationnel (…), ne cadre pas tout à fait avec les attendus de l’ESS qui seraient de ne pas rechercher le profit maximum ». C'est un non-sens ironisé par Anton Brender qui montre clairement les limites de l'économie dont le sens moral n'est pas une donnée inclut dans la coopération : « Pas besoin d’avoir le sens de la solidarité pour entrer en contrat avec d’autres agents économiques… ».

Max Weber (1864-1920)
L'économie et les économistes trouvent ainsi leurs limites là où commencent celles du champs de la sociologie et des sociologues. Je vais prendre pour exemple Max Weber, qui était à la fois économiste et sociologue, car c'est avec ce regard que le concept d'idéal-type et particulièrement celui de l'Action Rationnelle en valeur (l'acteur va atteindre son but conformément à ses valeurs sans tenir compte de toutes les conséquences) devient cohérent avec les idées et le principe de l'économie sociale et solidaire. On ne peut comprendre l'achat d'un produit issu du commerce équitable, qui serait plus cher qu'un produit classique que si l'on considère la valeur qui sous-tend cet achat comme rationnelle.

Jezabel Couppey-Soubeyran reconnaît les limites de l'économie à penser le social et admet que l’ESS « suppose un comportement des acteurs assez éloigné du comportement standard comme les économistes se le représentent ». Si l'économie a longtemps sous-estimé l'importance du social et pensé la rationalité simplement en tant que finalité économique, l'économie expérimentale (Quand nos comportements déroutent les économistes) est une réponse aux contradictions exprimés notamment par les comportements altruistes associé à l'Economie Sociale et Solidaire.

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